PÉRIGNAC : PAICHEL ET RAT-MAGE

Le clochard sentit ses genoux fléchir dès qu’il entendit prononcer le nom de GRANOLLIN. Un coup de dague en plein coeur n’aurait pu lui faire autant de mal. Il se contenta de répondre en élevant son regard amoureux vers celle qui l’examinait d’un air complaisant :

- Pardonnez donc mon effronterie, mademoiselle, car Fontaimé Denlar Paichel ne saurait vous ravir un noble seigneur si vous l’aimez autant que je vous aime. Je ne suis qu’un pauvre clochard après tout!

Le héros des rats le plus triste de la terre s’en retourna au presbytère en se disant en lui-même qu’il était vraiment sot pour avoir osé parler à une si noble jeune femme promise en plus à son pire ennemi. Il ne pouvait cependant oublier ce doux regard et ce sourire angélique.

Le soir venu, Rat-Mage ouvrit de nouveau la porte secrète de la sacristie afin de conduire le héros et le curé du village auprès de son Maître Rat-Ma. La salle du conseil se trouvait dans une vaste galerie qui se divisait en douze grottes. La chapelle se trouvait au-dessus d’un ancien temple dont l’origine remontait jusqu’à la nuit des temps. Selon une légende véhiculée par des paysans normands, ce coin de France aurait été habité jadis par des survivants d’un monde inconnu sur terre. Ils auraient tenté de fraterniser avec des primitifs qui habitaient les collines de Normandie, mais ils furent finalement forcés de reculer jusqu’à un cours d’eau qu’ils appelaient : MEOR. C’est près de cette rivière que les inconnus cachèrent des vases et des coffres fort anciens, remplis de parchemins et d’objets étranges. Puis, ces survivants disparurent sans laisser la moindre trace de leur civilisation à part un petit temple qu’ils dressèrent au milieu d’une forêt encore vierge à l’époque. La seule statue dressée dans ce sanctuaire montrait une déesse tenant sur ses genoux un crâne noir. Cette relique en pierre rouge aurait été détruite ou volée par des barbares qui envahirent toute l’Europe dans les années 450 avant J.-C.

Le temple inconnu cachait l’entrée des souterrains. Les bâtisseurs de la petite chapelle le savaient si bien qu’ils préférèrent éviter d’avoir des foules de curieux à cet endroit, en construisant justement une petite et humble église qui n’attirait aucun regard. D’ailleurs, cette chapelle se trouvait là avant la construction du château et les maisons du bourg de Beau-Brave.

Paichel fut accueilli chaleureusement par le grand conseil des rats de France. Rat-Ma occupait la place la plus élevée dans cette grotte dont les parois ressemblaient à des marches. On aurait dit un amphithéâtre grec aux gradins étagés. Des centaines de rongeurs étaient assis et discutaient des affreuses tyrannies des hommes envers leur peuple. L’un des rats tenait une coquille Saint-Jacques entre ses pattes et grattait celle-ci comme le faisait un ménestrel ou troubadour de l’époque. Le poète à fourrure du nom de Rat-Land chantait ainsi :

Si les rats se battent
De leurs quatre pattes
Les hommes les tapent
De leurs bottes ingrates

Si le roi nous chasse
Avec tant de faste
Cette haine néfaste
Vaincra notre race

Pauvres rats, mes frères
Nous perdrons la guerre
Si cet or de misère
Aux puissants, est offert
Mieux vaut être poussière
Et disparaître sous la terre
Mais le roi ne fera pas la guerre
Avec cette rançon pour nos frères

Paichel écoutait cette triste chanson du Rat-Land en songeant justement au roi de France. Celui-ci se contenterait-il d’une part de trésor, offert en plus par des rats? Qui pouvait être assez puissant pour défendre à coup d’or la cause des bêtes du diable...sinon le diable lui-même, se disait-il en réalisant le ridicule de sa mission. Est-ce que le roi serait assez naïf pour accepter le rachat d’une race méprisée par la majorité des humains? Il saurait sans doute jouer le jeu qui s’impose en offrant une liberté illusoire aux rats avant de rédiger d’autres décrets rachetables avec de l’or.

Rat-Ma se tenait debout sur une pierre carrée placée au centre de la caverne et criait :

- Un peu de silence mes amis; accueillons comme il se doit nos hôtes en leurs permettant de visiter nos souterrains.

Le Maître venait de parler et tous les rats du conseil se redressèrent en même temps sur leurs quatre pattes pour aussitôt se ranger derrière leur chef. Paichel et le curé se firent conduire au bout d’une longue galerie éclairée par des lampes perpétuelles. On appelait ainsi : flambeaux magiques ou lampes perpétuelles, ces étranges néons inventés par les survivants de l’Atlantide. En réalité, ces luminaires ne provenaient d’aucune charge d’électricité puisque cette énergie prenait sa source des courants magnétiques souterrains contenus dans l’air. Ainsi, ces lampes fantastiques appartenaient à ces rats intelligents.

Tout comme Rat-Mage, les centaines de rongeurs de ces souterrains savaient lire et écrire dans plusieurs langues. L’un d’eux en fit la preuve en lisant un bout de papier qui traînait sur le sol. Il s’agissait de cette missive envoyée au bon curé Laviolette par mademoiselle de Beau-Brave. La lettre venait de tomber de la poche de ce pauvre distrait qui découvrit trop tard la perte de ce papier personnel. Plusieurs rats s’étaient déjà rassemblés autour de cette missive afin de la lire rapidement. Elle disait ainsi : “ Cette lettre devrait en principe vous inviter, mon père, à bénir le mariage de monsieur monseigneur Granollin et de Baichamelle de Beau-Brave. Mais à vous je confesse ne point aimer cet homme que mon père désire me présenter le jour même de notre mariage. Par amour de la justice, je vous implore d’empêcher cette cérémonie.” C’était signé : Une âme qui se meurt.

Rat-Mage prit également connaissance de la lettre avant de s’exclamer d’une voix étonnée:

- Oh! Quel est ce papier sur le sol mes amis?

- C’est le mien, s’empressa de répondre le gros curé en le ramassant d’un air embarrassé. J’ai dû le perdre en sortant de la salle du conseil.

La visite des souterrains pouvait prendre plusieurs jours puisqu’ils passaient même quelque part sous la Manche. Rat-Ma conduisit ses invités vers la grotte du trésor afin de satisfaire la curiosité de Paichel. Une énorme pierre ronde en interdisait l’accès mais le chef des rongeurs récita une étrange formule, tout en frottant sa patte postérieure droite sur la roche argentée.

Pierre vivante de Pyra
Ouvre-toi
Montre le trésor derrière toi

Puis, lorsque la pierre bougea lentement, le rongeur surprit Paichel en prononçant à trois reprises le mot : ARKARA. On aurait dit que celui-ci résonnait dans la tête du clochard comme le son d’une cloche d’un lointain passé.

- La pierre bouge, s’exclama le curé en souriant au pauvre homme qui cherchait à comprendre pourquoi le mot Arkara l’avait troublé au point d’émouvoir son âme.

- Venez Paichel, lui dit Rat-Ma pour le sortir de sa réflexion. Je vais vous faire voir notre trésor.

Une fumée blanche sortait des parois de cette grotte et Rat-Ma rassura ses invités en leur disant ironiquement :

- Ne vous inquiétez surtout pas de ce dragon qui dort dans une autre galerie. Sa fumée sort parfois de sa gueule lorsqu’il est nerveux. Mais puisqu’il nous connaît, vous ne risquez rien en examinant ce trésor qu’il protège contre les voleurs.

- Un dragon? Vous n’êtes pas sérieux, n’est-ce pas? , demanda craintivement le clochard.

- Peut-être bien, lui répondit Rat-Mage en se tenant à ses côtés. S’il y a un véritable dragon, tu le sauras si tu tentes de sortir d’ici en dérobant son trésor.

Le nuage se dissipa et nos amis virent alors plusieurs statues d’or et pas moins de sept coffres immenses alignés au centre de la caverne. Rat-Mage acquiesça de la tête lorsque Paichel voulut ouvrir le couvercle du premier coffre pour voir ce qu’il contenait.

- Des écus d’or!, s’exclama le clochard en réalisant que ce coffre devait en contenir des milliers. Il y en a suffisamment pour acheter toutes les terres et châteaux de la France, monsieur le curé.

- C’est vraiment inutile de les compter, lui répondit le père Laviolette en se contentant de jeter un simple regard sur les pièces. Regardons plutôt ce que contient l’autre coffre.

- Nous avons tout notre temps, gémit Paichel en jouant à introduire ses mains dans cette mer d’écus.

- Non justement, lui répondit l’autre en lui refermant presque le couvercle sur les doigts. Demain, je dois me lever tôt pour dire la messe.

Les rats du conseil regardaient avec humour nos deux hommes s’attaquer au deuxième coffre, exactement comme des enfants pressés d’ouvrir leurs cadeaux de Noël.

- Vous allez voir messieurs que les plus belles pièces d’argenterie au monde se trouvent enfermées dans ce coffre, dit Rat-Ma pour les exciter davantage.

- Un calice! Une patène! Deux burettes ornées de rubis! Qu’ils sont beaux, Sainte Mère de Dieu, s’exclama le curé.

- Regardez ces assiettes et ces ustensiles, mon père! Ils valent sûrement une véritable fortune. Puis ces gobelets d’or, décorés de vignes de diamants ont certainement appartenu à un roi assurément fort riche.

- Oui, c’est tout à fait probable Painsel ; voyons à présent le troisième coffre.

- Mais nous avons à peine vus ce que celui-ci contient?

- Je le sais bien, mais ouvrons l’autre coffre.

Les deux hommes furent tout d’abord fascinés par ce gros coffre sur roues en or massif. On aurait dit une grosse boîte musicale ornée de symboles énigmatiques sur son couvercle. Il fallut la force musculaire des deux curieux pour réussir à le soulever.

- Mais ce coffre est vide? , s’écria Paichel étonné.

- Il est vide par mesure de sécurité, répondit Rat-Ma. Celui-ci contenait plusieurs parchemins écrits par un maître Atlante, ainsi qu’un fantastique miroir qu’il cacha au fond de ce coffre. Grâce au miroir de vérité, celui qui se regarde se voit tel qu’il est dans sa nature.

- Comment s’appelait ce maître atlante? , demanda Paichel d’une voix excitée.

- C’était Anakilimon, un sage ermite qui détenait une grande science et connaissance héritée des Grands-Maîtres de son ancienne planète.

- Vous voulez parler d’Arkara, n’est-ce pas? , demanda le clochard en souriant.

- Peut-être bien, se contenta de répondre le chef des rongeurs.

- L’Atlantide est un mythe, dit évasivement le curé pour éviter de devoir admettre que la vie pouvait exister en dehors des quatre coins de la terre.

- Monsieur le curé, dit Rat-Ma sans hésiter, les Atlantes venaient d’un monde inconnu et donc mythique comme vous le dites si bien. L’inconnu ne s’explique pas, n’est-ce pas? Vous avez devant vous un coffre atlante, mais vous n’êtes pas obligé de me croire. Même les lampes qui éclairent les souterrains sont des inventions de ce peuple étrange. Mon but n’est pas de vous convaincre, mais simplement de rappeler à Paichel de souvent regarder le ciel la nuit et de s’amuser à parler avec les étoiles.

Paichel versa quelques larmes en écoutant les recommandations de Rat-Ma. Il lui dit d’une voix émue :

- Ma mère adoptive me disait exactement la même chose lorsque nous observions le firmament. Assis sur ses genoux, je m’amusais à donner des noms à toutes les étoiles qu’elle pointait du doigt. Ensuite, elle me demandait sur quelle étoile j’aimerais vivre. Un soir, j’ai cru voir des petites mains d’enfants apparaître dans un coin du ciel. Je pense que c’étaient celles des anges qui m’invitaient à les suivre au paradis. J’en ai parlé à tante Antoinette, mais puisque j’étais encore très jeune, elle jugea préférable de me mettre en garde contre mon imagination.

- Les anges ne sont pas un mythe, dit le curé en souriant. Ce n’est pas comme l’Atlantide, ça!

- Peut-être bien, lui répondit Rat-Ma en laissant sortir des petits cris rieurs de sa gorge. Quoi qu’il en soit, il faudrait à présent songer à la rançon des rats. J’en ai discuté avec les membres du conseil et nous jugeons préférable de ne rien offrir au roi qui s’en servirait pour augmenter son pouvoir. Donc, toutes les pièces d’or qui se trouvent dans le premier coffre, nous les offrons à notre protecteur.

- À moi? , s’exclama Paichel d’une voix troublée.

- Oui, tu as défendu les rats de France et c’est notre façon honorable de t’en remercier.

- Mais comment ferez-vous pour mettre un terme au massacre de vos frères? , lui demanda le gros curé encore plus troublé que son compagnon.

- J’ai déjà donné des instructions pour faire cesser ce génocide. Cela va se régler par les lois de la nature. Tous les rats du pays vont demeurer cachés le temps qu’il faudra aux hommes pour réaliser qu’ils ont fait une erreur en tentant de s’en débarrasser. Soyez patient et bientôt les autorités enverront quelqu’un pour vous supplier de retrouver les rats perdus.

- Je le souhaite grandement, répondit le curé en souriant. Toutefois, je me demande si notre ami Paichel semble réaliser qu’il est devenu l’homme le plus riche d’Europe? On dirait bien qu’il est triste, Sainte Mère de Dieu!

- Je pense que votre ami accepterait volontiers de perdre sa fortune pour obtenir le coeur de celle qu’il aime, dit Rat-Ma à l’oreille du bon curé de campagne.

Le lendemain, à l’aube, le pauvre clochard s’aventura trop près du château du seigneur de Beau-Brave afin d’y surprendre, si possible, la belle Baichamelle à sa fenêtre. Dame Estelle le vit lancer de petits cailloux dans la chambre de la demoiselle afin d’attirer son attention. Deux gardes sortirent du château et empoignèrent solidement le pauvre homme par les bras avant de le conduire devant le père de sa bien-aimée. Il était déjà debout à cette heure matinale car il attendait avec anxiété l’arrivée du seigneur Granollin. Ce triste personnage craignait de voir sa fille le déshonorer en refusant d’épouser celui qui réclamait sa main en retour d’une “vieille dette impayée”.

Paichel vit alors un grand homme assis au fond d’une salle richement décorée. Le seigneur de Beau-Brave le fixait à travers son masque de fer. Cet homme avait honte de montrer son visage brûlé, comme on le sait, par un chaudron rempli de métal en ébullition. La voix métallique dit froidement à l’intrus :

- La gouvernante de ma fille vient de m’informer qu’un étranger de mon village s’amusait à lancer des cailloux dans la chambre de Baichamelle. Est-ce vrai ou faux monsieur?

- C’est exact, mon seigneur mais...

- Assez, je ne désire pas connaître vos raisons mais simplement vous informer que le seigneur de Beau-Brave ne tolère pas les étrangers et encore moins ceux qui osent s’adresser à sa fille sans son autorisation. Votre audace va vous valoir la corde, monsieur, dès que j’en aurai terminé avec le mariage de ma fille avec le noble seigneur Granollin. D’ailleurs, le voici qui arrive...

Le seigneur Granollin fut tout aussi surpris que Paichel de le rencontrer dans ce château. Mais sans plus de cérémonie, il sortit son épée en criant de colère : “ Voilà mon voleur de chevaux. Je vais te couper en deux, sale vermine”.

Paichel ramena rapidement son pied dans la figure du fiancé avant de fuir dans le corridor. Les deux gardes se mirent aussitôt à sa poursuite. Les cris du seigneur de Beau-Brave appelant le reste de sa garde et ceux du fougueux Granollin éveillèrent la demoiselle Baichamelle. Elle ouvrit sa porte pour savoir ce qui se passait et le pauvre clochard qui courait dans le corridor trouva tout à fait naturel d’aller se réfugier dans la chambre de celle qu’il aimait. Les gardiens s’arrêtèrent devant la châtelaine qui leur cria aussitôt :

- J’ai vu un homme traverser le corridor et prendre l’escalier qui conduit à la tour de garde.

C’est ainsi que Paichel échappa un moment à ses poursuivants. La jeune femme entra dans sa chambre et s’empressa de verrouiller la porte. Le pauvre fugitif s’agenouilla devant elle en disant d’une voix reconnaissante :

- S’il faut que je meure, douce mademoiselle, j’aurai raison de dire que ma mort n’aura point été inutile. Jamais je n’aurais espérer me retrouver à vos pieds et sentir sur mes joues le subtil parfum de vos mains.

- Monsieur Paichel, aidez-moi!

- Vous secourir! Vous protéger! Me battre pour vous!

- Je ne veux pas épouser le seigneur Granollin. Si vous m’aimez, ayez pitié de moi monsieur.

- Pitié? N’est-ce pas votre pauvre Paichel qui, tel un chien affamé, réclame votre douce pitié mademoiselle? Comment oserais-je même supposer que vous puissiez avoir besoin d’un pauvre homme qui vous aime à en mourir de folie!

- Relevez-vous monsieur, et embrassez-moi. Ce seigneur Granollin n’aura jamais obtenu mon premier baiser.

Paichel l’embrassa si tendrement que la demoiselle faillit s’évanouir dans ses bras. Il se peut qu’elle ait manqué de souffle après tout! Le clochard romantique lui dit ensuite:

Laisserez-vous la flamme de mon coeur
Mettre le feu dans ma pauvre personne
Car, je sens déjà l’odeur calcinée de mon ardeur
Dévorer à petit feu ces lèvres qui frissonnent

Seul un baiser de vous ma bien-aimée
Saurait calmer les affreux picotements sous mes pieds
Puis, je croise mes orteils en supplicié
En espérant voir mon vœu le plus cher se réaliser

Je brûle en martyr sur le bûcher de mes désirs
Mais je n’oserais prétendre que vous en prenez plaisir
Puisque je vois briller une brindille de compassion
Sur ce visage que je qualifie de fort mignon

Ainsi, cette faiblesse pour vous est un mal révélateur
Que seul un mourant saurait éprouver à sa dernière heure
Il vaudrait mieux me soutenir avant que je meure
Et me déposer sur votre lit de plumes, ma douce fleur

Je vous assure que j’ai encore froid et avant de prendre un rhume
Enlacez-moi plus fort pour réchauffer mon infortune

Et je pourrai au moins mourir entre vos bras enclumes
Tel un citron pressé et dénudé de sa fortune

Je suis votre chevalier, vous êtes ma belle
Entre nous, quoi de plus naturel
Que d’obéir à Apollon de qui je ressens l’appel
L’entendez-vous comme moi ma douce Baichamelle?

Vite, si le devoir nous incite à l’amour
Laissons nos coeurs battre en tambours
Le romantisme de cette lumière du jour
Vaut bien cette lune qui chaperonne les troubadours
Je vous aime et chacun de vos baisers me font renaître
Encore quelques-uns et c’est le paradis que vous ferez naître

Ce fichu Paichel gagna ainsi le coeur de demoiselle Baichamelle mais pas pour très longtemps. Une main frappa violemment sur la porte et une voix cria froidement :

- Mademoiselle, ouvrez immédiatement, sans quoi j’en avertis aussitôt monsieur votre père.

- Fuyez Paichel; fuyez mon amour, gémit la pauvre femme apeurée.

Le héros des rats de France pressa ses mains sur son coeur en disant :

Oh! Malheur! Cette voix sans coeur de votre matrone
Née sans doute pour vous priver d’avoir Vénus comme patronne
Ne pourrait empêcher votre chevalier de venir vous libérer
Même s’il me faut affronter toute une armée
Je reviendrai à temps pour empêcher ce mariage insensé
C’est toujours ainsi que cela se passe dans les contes de fées
Alors offrez-moi ce dernier baiser, ma bien-aimée
Avant que dame Estelle ne s’use les poings sur cette porte rouillée

Ce sacré clochard se prenait vraiment pour un nouveau chevalier qui n’avait nul besoin de lire des romans d’amour pour se laisser aller à ses humeurs romantiques. Il sauta par la fenêtre dans quelques mètres d’eau et regagna rapidement la rive.

Le curé Laviolette et deux enfants de choeur se préparaient à traverser sur le pont-levis du château lorsque Paichel, caché sous celui-ci cria :

- Mon père, c’est moi, Paichel!

- Mais où êtes-vous donc, sainte Mère de Dieu?

- Sous le pont-levis; les gardes du château sont à ma poursuite mais ce n’est pas le plus important. Il faut à tout prix empêcher ce mariage.

- Je sais Pêche-elle, lui répondit le gros curé en soupirant. Mais comment puis-je l’empêcher à présent qu’on m’attend déjà pour le célébrer?

- Tout ce que je vous demande, c’est de le retarder de quelques heures. Vous pourriez exiger de parler au futur époux afin de savoir s’il est bon chrétien ou s’il est digne d’épouser une sainte Baichamelle. Posez des questions, plusieurs questions, afin de me laisser le temps d’organiser mon armée. Nous allons libérer ma bien-aimée.

- Des questions, des questions? Je vais faire ce que je peux, Paix-sel mais je ne suis pas le directeur de conscience de ce seigneur Granollin pour THÉOLOGIFIER avec une âme CORROMPUDIQUE, moi!!!

Le clochard ne répondit pas à cette remarque puisqu’il nageait déjà sous l’eau afin d’éviter, si possible, d’être vu par les gardes. Le bon curé ramena alors une gifle affectueuse derrière la tête de l’un des enfants de choeur en lui disant :

- N’oublies pas de t’évanouir mon petit lorsque je demanderai au seigneur Granollin s’il désire prendre comme épouse, demoiselle de Beau-Brave. Puis toi Stéphane, il faudra échapper le plateau qui contient les alliances. Il faut gagner du temps mes enfants.

Le père Laviolette s’engagea le premier sur le pont-levis, suivi par ses enfants de choeur qui riaient de voir un garde s’approcher. Il tenta de passer en même temps que le gros curé venant de l’autre sens, mais rien à faire. Même en tentant de se tasser le ventre pour le laisser passer, le religieux ne parvint qu’à écraser le pauvre homme sur une rampe normalement assez solide. Elle céda brusquement et le garde alla faire une petite baignade forcée dans le fossé.

Paichel se faufila discrètement jusqu’au presbytère. Rat-Mage rassembla, à sa demande, tous les rats du village afin de les préparer à l’attaque surprise du château. Brutus et Arthur devaient demeurer dans l’écurie jusqu’au moment de l’assaut. Cette attaque allait devoir se préparer dans le plus grand secret puisque les trente hommes du seigneur Granollin circulaient dans le bourg à la recherche du clochard. Avec les quarante soldats du château, cela faisait soixante et dix ennemis à combattre.

Fontaimé Denlar Paichel se sentait prêt à affronter même les pires dragons du monde entier pour obtenir la libération de sa belle Baichamelle. Il se fit un plan de combat afin d’éviter de perdre cette GUERRE HISTORIQUE. Les rats de cales verraient à couper les câbles du pont-levis dans le cas où celui-ci serait levé au moment de l’attaque; les rats noirs attaqueraient de nuit si ce conflit devait se poursuivre au-delà du couché du soleil; les rats de la ville de Rouen formeraient le gros de la troupe et attaqueraient le château par le nord, le sud et l’ouest. Brutus foncerait cornes en avant toutes, dès que le pont-levis serait descendu. La lourde porte d’arche du château ne pourrait résister à l’assaut de cette bête enragée. Des rongeurs, d’ailleurs, avaient comme mission de teindre celle-ci en ROUGE.

Le héros des rats de France trouva une armure, un bouclier et enfin un véritable attirail de chevalier en se rendant discrètement chez le forgeron du village. Le vieil homme cracha sur un haubert pour ensuite l’astiquer en disant :

- Tous les villageois sont de votre côté, mon seigneur Paichel. Il est temps pour nous de mettre un terme à la tyrannie de notre mauvais maître de Beau-Brave. Nous prendrons toutes nos fourches, nos bêches et nos haches afin de vous suivre dans cette croisade. N’est-ce pas au nom de Dieu que vous combattez les hommes qui détruisent ses créatures?

- Mon brave homme, lui répondit Paichel d’une voix émue, je ne suis qu’un simple clochard indigne de mériter ce noble titre de “seigneur”.

- Vous êtes le seigneur des petites bêtes du bon Dieu. Avec cette armure, vous aurez fière allure. Elle appartenait à mon fils, Guillaume de la Berge, chevalier de la grande confrérie des Templiers. Il est mort à Jérusalem comme un vrai chrétien.

- Je suis vraiment honoré monsieur de porter l’armure d’un aussi illustre chevalier.

Au signal donné par les pauvres cloches de Sainte-Marie-des-Puys, des milliers de rats entourèrent le château. Un garde effrayé cria aussitôt : “ Remontez vite le pont-levis”. Des soldats couraient dans toutes les directions afin de s’emparer de leurs lances, de leurs arcs et de leurs flèches. Tous les villageois criaient en marchant en direction du château : “ Mort à Beau-Brave; vive Paichel”.

Dans la petite chapelle du château, le curé avait utilisé tous les moyens inimaginables pour retarder le mariage. Lorsqu’il prononça : “ Prenez-vous comme épouse...”, le servant de messe distrait oublia de s’évanouir. Alors le gros curé le fixa d’un air sévère en lui disant dans un latin improvisé pour les circonstances : “ Fautimum mettra mon piéderus danté foufouna por te rappelum de tombus devanos marius...Crétano? ( Faut-il mettre mon pied dans tes foufounes pour te rappeler de t’évanouir devant les mariés...Crétin? ). Heureusement, l’enfant fit semblant de s’évanouir devant le seigneur Granollin. Celui-ci s’écria d’une voix désespérée :

- Mais allez-vous enfin vous décider à le bénir ce mariage mon père? J’aurais donc dû choisir moi-même quelqu’un de plus vite dans la matière!

- Mon fils, répondit le curé en joignant les mains, j’ai bien l’impression que vous devrez apprendre à patienter encore longtemps.

En effet, les cris de la foule vinrent mettre un terme à la cérémonie et ce, au grand soulagement du curé et la future mariée. Elle se jeta dans ses bras pendant que les seigneurs de Beau-Brave et Granollin s’empressèrent de regarder par la fenêtre.

- Mais c’est la révolution ma parole! , s’écria le châtelain effrayé par les cris injurieux des villageois.

- Vos gardes ont déjà été mordus par des rats mon cher Beau-Brave?, lui demanda l’autre homme en train de lui faire sa révérence. Je ne tiens pas du tout à me trouver encore une fois en face de ces maudites bêtes de malheur.

- Vous fuyez, espèce de lâche! , répliqua le père de Baichamelle en tentant de lui retenir le bras.

- Oh! Traitez-moi de tous les noms qu’il vous plaira mon cher ami, car ces rats ne sont pas dix contre un mais des CENTAINES!!! Ils obéissent sans doute à ce fou dangereux que vous deviez pendre n’est-ce pas? Moi, je me bats contre des hommes et non contre des vermines, capables de nous grignoter. Alors, pardonnez-moi de vous fausser compagnie puisque je ne tiens pas à mourir en martyr.

Le seigneur Granollin quitta la chapelle sans même prendre le temps d’embrasser sa fiancée. Le père de celle-ci vit alors un chevalier qui se tenait fièrement sur un cheval racé. Il attendait non loin du château en compagnie de vingt cavaliers armés de fourches, de bêches et de haches. Ceux-ci montaient les chevaux de Paichel. Des rats mirent des petits radeaux dans le fossé afin de pouvoir le traverser sans se mouiller. Rat-Fiau et Rat-Meur furent cependant blessés par une volée de flèches ennemies. L’embarcation de Rat-Deau et celles de centaines de rongeurs gris furent bientôt de l’autre côté. Plusieurs rats chutèrent à l’eau en tentant de grimper sur les pierres du château et d’autres se firent décapiter en arrivant sur les créneaux. Par contre, plusieurs bêtes coupèrent les câbles du pont-levis. Il retomba lourdement aux joyeux cris des envahisseurs.

- Il faut solidifier la grande porte, cria nerveusement le seigneur de Beau-Brave.

Pendant que des soldats plaçaient d’énormes poutres en travers de la porte, des rats la peinturaient rapidement de l’autre côté en se servant d’un genre de petit plumeau fixé au bout de leur queue. Brutus chargea dès que Paichel lui cria : « Mon ami, va défoncer cette grosse porte qui t’agace par sa couleur provocante.» Le taureau gratta le sol en mugissant et fonça à toute allure sur la porte. Le chevalier et les autres cavaliers levèrent leurs armes vers le ciel avant de s’élancer à l’attaque du château. Des milliers de rats et tous les villageois suivirent le héros. Les gardes fuirent en voyant Brutus s’introduire dans la cour en transportant la lourde porte au bout de ses cornes. La bête noire en profita pour tasser quelques soldats entre un mur et sa porte rouge.

Paichel entra en trombe dans la cour du vieux palais et tel un chevalier sans tord et sans reproche cria au seigneur de Beau-Brave :

Rendez-vous en conservant les honneurs
Ou acceptez de fuir sans bonheur
Car moi, l’amoureux de votre fille, mon seigneur
Vous réclame sa main puisque j’ai obtenu son coeur

- JAMAIS, sale vaurien, poltron, imposteur, lui cria le châtelain.

- Allons les rats! À l’attaque, cria sans attendre le chevalier sans nom.

Le seigneur de Beau-Brave vit alors des milliers de rongeurs s’engager dans les escaliers de la cour, sur les toits, dans les corridors et même dans le vaste jardin du château. Il y en avait partout autour des soldats qui devaient, d’ailleurs, se battre contre eux, contre les paysans, contre le taureau et enfin contre ce fier chevalier armé d’une masse de forgeron. Les casques ennemis ne pouvaient résister à la main solide de cet ancien maréchal-ferrant.

Le combat était déjà à son plus fort lorsqu’un géant vint appuyer ses bras sur les créneaux du château. Une main énorme s’empara d’un soldat et une voix caverneuse dit ainsi :

- Moi, Génidesforaprèlamor va prendre toi par grosse main à moi et déposer toi dans gros tas d’eau.

Le garde fut soulevé rapidement par le chignon du cou et se retrouva aussi vite par-dessus les murs du château. Le spectre lumineux se saisissait des ennemis de Paichel sans se presser tandis que le chien Boulette marchait allègrement sur les remparts en criant à son ancien maître vraiment ému de le revoir :

- Bonjour mon ami et mon maître! Voici mon grand copain Génidesforaprèlamor. Il va mettre un terme à ce combat car je dois partir à présent vers le paradis des chiens perdus où j’attendrai que tu viennes me chercher à la fin de ta vie. En attendant, j’espère que tu trouveras d’autres chiens fidèles comme moi pour te tenir compagnie. Il n’est pas bon que tu pleures ma mort plus longtemps.

- Oui Boulette, je crois que tu es heureux et que mes pleurs sont inutiles. J’aurai volontiers d’autres chiens que j’aimerai pour eux au cours de ma vie.

- J’ai bien l’impression qu’elle sera TRÈS LONGUE, lui répondit l’esprit animal avant de disparaître assis dans la main du géant.

Le combat était terminé. Tous les soldats apeurés par l’étrange allié de leurs ennemis se rendirent sans condition. Le seigneur de Beau-Brave demeurait à sa fenêtre en fixant gravement son ennemi à présent dans les bras de sa bien-aimée. Il baissa les yeux et s’en retourna dans ses appartements. Les rats jugèrent inutile d’attaquer un homme qui se sentait déjà mourir de honte. Il venait de perdre le plus précieux de tous ses trésors entre les bras d’un clochard de Paris.

La foule criait : “ Vive Fontaimé Denlar Paichel”. “ Longue vie à notre héros”, ajoutaient les rats en se rassemblant autour de lui. Demoiselle Baichamelle supplia alors son amoureux d’avoir pitié de son père. Paichel lui répondit en souriant :

- Mais comment pourrais-je me venger d’un homme qui sera bientôt mon beau-père? Puis-je espérer que vous daignerez m’accepter comme époux si votre père m’accorde votre main?

- Je vous épouserai Paichel mais mon père va vous refuser ma main.

- Alors le bon curé Laviolette bénira notre mariage en secret, ma bien-aimée.

Le seigneur de Beau-Brave vit Paichel au bout d’un champ en train de creuser des fosses pour les pauvres rats ayant succombé au cours de cette bataille historique. Tous les villageois l’aidaient dans ce travail ainsi que tous les autres rats. Le chat “Poil long” creusa un petit trou de sa patte afin d’y enterrer lui-même son ami Rat-Molli. Ce vieux rongeur avait tenu à prendre part au combat mais succomba à une crise cardiaque. Ses confrères Rat-Bougri, Rat-Chétisme, Rat-Lenti et enfin, Rat-Courci lui firent un dernier adieu en jetant dans sa tombe un morceau de pain offert par un villageois, un morceau de fromage du curé Laviolette et un poisson offert par Poil long. Les enfants enterrèrent les dépouilles des autres rongeurs après les avoir déposés dans des petits paniers.

Le château était désert. Personne ne travaillait dans les champs du châtelain depuis plusieurs jours. Mais contrairement à ses habitudes, le seigneur de Beau-Brave ne se sentait plus d’humeur à battre quelqu’un. Il est vrai qu’il ne possédait plus de soldats pour faire appliquer ses lois. Pensant à tous ces événements, cet homme sombra dans une mélancolie indescriptible. Il passait ses journées entières à regarder sa fille rire et chanter en compagnie des pauvres gens du village qui venaient de s’emparer de la fromagerie. Les rats poussaient les meules de fromage en bas des tablettes et les villageois les attrapaient en jubilant de joie. C’était la fête pour tous...sauf pour le seigneur solitaire.

Des semaines passèrent et Paichel vit un matin un représentant de la cour royale se présenter au presbytère afin de “négocier” le retour des rats comme l’avait prédit Rat-Ma. En effet, depuis que les rats de cachots avaient disparus des prisons, le taux de criminalité avait doublé. Les prisonniers s’entassaient dans les cellules en se moquant de leur détention. Plus un seul rongeur pour leur faire craindre la noirceur des cachots ou encore pour leur disputer une miche de pain sec ou pire encore, pour les mordre cruellement pendant leur sommeil. Par conséquent, c’était devenu un VRAI CHARME de loger dans les prisons de France. Le représentant du roi qui vint discuter avec Paichel et monsieur le curé exprima ainsi son désarroi :

- Le problème des prisons est grave mais nous avons appris de bonne source que des milliers de commerçants vendent leurs boutiques pour se lancer dans le commerce lucratif de l’extermination de rats. Notre économie va en prendre un sale coup monsieur Paichel si ce génocide se poursuit encore un certain temps. Comme les rats se font rares, leur valeur marchande se chiffre déjà à deux écus d’or. C’est une véritable chasse aux peaux de ces hideuses bêtes qui vient de débuter. Même mon épouse me supplie de lui acheter un collet de rats d’égouts! N’est-ce pas horrible et ridicule comme situation? Puis la peste sévit dans d’autres coins du pays sans que l’on y découvre la présence d’un seul rat. Lorsque ces rongeurs venaient mourir devant nos maisons, nous savions que la peste était à notre porte. Mais là, sans nos indicateurs, comment saurons-nous monsieur, s’il y a un danger pour nous?

- Et que proposez-vous comme solution monsieur? , demanda le curé d’une voix amusée.

- Nous voulons revoir nos rats, mon père. Le roi est disposé à offrir un écu d’or par rongeur que vous ramènerez dans les prisons de nos villes. Si vous pouvez en trouver davantage, nous pourrons les établir dans les villages.

- Hum, votre cause nous touche profondément vous savez!, lui répondit Paichel qui riait dans sa barbe. Mais croyez-vous que des rats voudront s’en retourner à Rouen par exemple? N’est-ce pas là que des milliers de ces rongeurs furent brûlés vifs, monsieur?

- Je dois avouer que nous le déplorons monsieur Paichel. Toutefois, nous sommes disposés à léguer deux mille acres de terre aux rats qui voudront s’établir autour de Rouen. Nous passerons même un décret pour en interdire la chasse si cela peut vous rassurer.

- Mais pourquoi vous adresser à moi pour retrouver vos rats de France, monsieur?

- C’est le seigneur Granollin qui affirme que vous êtes le défenseur de ces rongeurs, monsieur Paichel. Si cela est véridique, je pense m’être adressé à la bonne personne, n’est-ce pas?

- D’accord, je veux vous aider dans la mesure où mes amis voudront bien se plier aux demandes du roi. Ils ont peur, vous en conviendrez sans peine depuis cette tentative de génocide. Par contre, il se peut fort bien que si le roi décide de faire escorter les deux mille rats que je me propose de renvoyer à Rouen...

- Monsieur Paichel, si vous disposez d’autant de rats, il est évident que je veillerai personnellement à les faire escorter par deux cents soldats!

- Hum! Il se peut que les rongeurs hésitent encore, à moins qu’il s’agisse de la garde privée du roi. Alors, oui bien sûr, il est évident que mes amis accepteront d’aller s’établir à Rouen.

- La garde privée de sa Majesté? N’y songez pas monsieur Paichel!

- Hé bien! Je ne peux donc rien vous promettre si le roi lui-même refuse de veiller personnellement à la protection des rats!

- Bien, je vais voir ce que je peux faire, monsieur Paichel.

Après le départ de l’émissaire, les deux hommes passèrent un long moment à se tordre de rire. Puis, le curé fit rassembler tous les rats de Rouen derrière l’église de Sainte-Marie-des-Puys et Paichel les informa de la situation en disant :

- Vous pourrez retourner bientôt à Rouen mes amis avec la BÉNÉDICTION du roi lui-même. Vous obtiendrez un vaste champ pour vous y établir en toute quiétude.

- Le roi a donc accepté de l’or notre héros? , lui cria Scélé-Rat qui s’était mêlé à la foule de réfugiés.

- Non mon ami, s’empressa de lui répondre Paichel en riant. Aucune pièce d’or n’aura été nécessaire pour convaincre le roi de votre nécessité. Par contre, je n’ai pas l’intention de laisser les rats mordre les gens dans les cachots. Leur simple présence suffira à décourager ceux qui détesteront voir des rongeurs partager leurs repas, leurs dessous de couchettes ou encore un coin de couverture. Je vous expliquerai plus tard pourquoi le roi tient tant à vous réhabiliter en France. Pour le moment, il faut éviter à tout prix de vous promener sur les routes infestées de chasseurs de primes.

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